Les couleurs du Vent : vers un jeu instrumental incluant l'espace (1997)
Le geste de spatialisation sur une table de diffusion est mal corrélé avec le résultat sonore et de plus difficilement compréhensible par le public
En règle générale, dans un concert de musique acousmatique, un interprète mets en espace la musique sur un orchestre de haut-parleurs. La console de diffusion est située au milieu du public, occupant ainsi les meilleures places. La moitié du public (devant la console) ne voit pas l'interprète. L'autre moitié (derrière la console) voit le dos de l'interprète. Étrange situation !
Le public écoute la musique et la spatialisation ; mais il ne voit pas l'interprète (les non initiés ne comprennent même pas ce que fait l'interprète !). Aucun geste "instrumental" ne peut être associé aux énergies ou mouvements sonores perçus. Aucun geste "instrumental" ne peut aider à la perception de l'espace.
Dans le cas d'une console automatisée, la situation est encore pire : l'interprète effleure un bouton et le son se déplace sur 10 haut-parleurs ...
Du point de vue de l'interprète, la situation n'est guère meilleure. Le geste de déplacer des potentiomètres linéaires (ou rotatifs) sur une table de mixage n'est absolument pas corrélé (morphologiquement ou intellectuellement) au rendu spatial souhaité : effets d'éloignement du son, de déplacement circulaire sur plusieurs haut-parleurs, crescendo simultané d'une douzaine de haut-parleurs, etc.
On parle d'interprétation de la musique électroacoustique ; mais contrairement au jeu instrumental, le geste de mise en espace n'est pas visible, il n'est pas compréhensible, il est morphologiquement ou musicalement inadéquat.
Pour être efficace et compris, le geste instrumental de l'espace doit être explicite.
J'ai conçu un dispositif électroacoustique interactif (gant, logiciel, échantillonneur et VCA MIDI) permettant à un interprète de jouer de la musique “acousmatique” en direct sur scène.
Un gant de donnée permet de détecter la flexion des doigts et l'inclinaison de la main de l'interprète. Le logiciel Action ! reçoit et gère ces informations. Il s'agit d'un multi-séquenceur MIDI (plusieurs séquenceurs indépendants) : il est possible de déclencher indépendamment et à l'instant de son choix jusqu'à 128 séquences MIDI, avec des tempi différents ; les séquences peuvent être bouclées, s'arrêter ou ne pas s'arrêter avant la fin. Plusieurs séquences peuvent s'enchaîner. Le point important est l'extrême liberté temporelle offerte par ce logiciel.
Les gestes sont simples et relativement clairs pour le public : une flexion du doigt pour déclencher des séquences MIDI (préparées à l'avance), en contrôler l'amplitude, l'inclinaison de la main (avant, arrière, droite, gauche) contrôle la spatialisation du son : soit la position d'apparition d'un son, soit son déplacement sur 8 haut parleurs.
Pour finir, j'ai choisi d'apparaître debout sur scène, face au public et de montrer au public un geste simple et explicite, directement lié au résultat sonore produit bref, d'assumer pleinement le rôle d'interprète.
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