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À la conquête de l'espace


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haut-parleur  

Musiques électroacoustiques mises en espace
pour le surround 5.1 et encodées en dts

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Extraits de la conférence présentée par ß. MERLIER aux JIM 2000 (Journées d'Informatique Musicale), le 18 mai 2000 à Bordeaux

Résumé

La prise en compte de l'espace dans la composition ou l'interprétation des œuvres musicales est une pratique de plus en plus fréquente. Nous en rappellerons les usages et les intérêts au cours d'une brève présentation. Toutefois, cette spatialisation n'est actuellement mise en œuvre qu'en situation de concert. Cet inconvénient majeur rend impossible toute valorisation ou pérennisation de ces œuvres à travers une diffusion grand-public, car la réduction en stéréophonie entraîne généralement une perte d'intérêt notable pour l'œuvre.

Les nouveaux formats de son surround en multicanal 5.1 - utilisés pour le home-cinéma (cinéma à domicile) - offrent un compromis intéressant : l'utilisation d'un encodage perceptif permet de stocker 5 (ou 6) canaux audio sur des supports grand-public standards. Après décodage, l'espace est restitué grâce aux 5 (ou 6) enceintes d'une chaîne HiFi surround.

Nous avons expérimenté la "fixation" et l'encodage en dts de plusieurs types d'œuvres électroacoustiques spatialisées : réduction d'une pièce multipiste, pièce stéréophonique spatialisée, trio instrumental, paysage sonore et création spécifique en 5.1.

Cet article est un compte-rendu de la mise en application de ce procédé dans le domaine de la musique électroacoustique. Il relate les procédures employées, les problèmes esthétiques et techniques rencontrés. L'appréciation sonore du résultat est proposée sous la forme d'une "écoute de salon" (hors conférence, car l'audience est limitée à 8 ou 10 personnes, conformément au standard et à son usage grand-public). L'objectif est de savoir s'il est possible de "fixer une œuvre avec son espace" et ainsi de réaliser "un concert à domicile".

La conclusion dresse un bilan - assez favorable - de cette première expérience, si l'on veut bien se donner la peine d'investir (dans) ce nouveau standard.

Mot-clés : espace, spatialisation, son surround, multicanal 5.1, musique électroacoustique, fixation de l'espace.

° ° ° ° °

L'espace et les musiques électroacoustiques

La spatialisation du son joue sur les amplitudes, les timbres et l'espace. Elle crée un relief sonore et une qualité d'écoute impossible à obtenir en stéréophonie. La dynamique est accrue, ainsi que les effets d'espace. La multiplication des sources sonores améliore l'intelligibilité (à message sonore identique).

Elle permet aussi d'envisager une meilleure restitution de la réalité sonore, ainsi que des possibilités de création d'espaces "inouïs" (c'est à dire extraordinaires, mais aussi jamais entendus).

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• La musique électroacoustique de support (musique concrète / acousmatique / de sons fixés) a toujours été concernée par la spatialisation des sons en concert, à tel point que cette spatialisation fait partie de la spécificité du genre musical.

Deux orientations distinctes existent en matière de spatialisation de la musique électroacoustique :

- soit la projection d'une œuvre stéréophonique par un interprète ("Compte-rendu de la table ronde sur l’interprétation des œuvres acousmatiques, 1996)

- soit la multiplication des pistes à la composition. La problématique des œuvres multiphoniques est clairement décrite par Jean Marc DUCHENNE, un des principaux initiateur et acteur dans ce domaine (Duchenne, 1993).

• Les œuvres mixtes, interactives ou avec électronique live sont concernées au même titre que les musiques électroacoustiques de support, surtout quand il s'agit de réaliser un enregistrement de l'œuvre en vue de sa diffusion publique. Comment continuer à faire vivre le duo instrument(s) / électronique lorsque tout a été fixé sur un support ?

• Signalons enfin une nouvelle tendance - apparue depuis quelques années -, qui pose l'espace comme cinquième paramètre du son et comme objet d'écriture et d'interprétation (MERLIER, 1993 & 1998a). De nouveaux instruments (capteurs, instruments virtuels et autres dispositifs) permettent d'interpréter l'espace en direct sur scène.

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Dans tous les cas, la spatialisation est obtenue par augmentation du nombre des haut-parleurs. Aussi le concert électroacoustique présente-t-il l'inconvénient de nécessiter un matériel coûteux, encombrant et spécifique, donc réservé aux spécialistes.

Cet état de fait contribue à la rupture avec le milieu musical traditionnel et avec le public, car :

- les spécifications matérielles découragent les organisateurs de concerts (extérieurs au cercle des initiés)

- l'absence de dispositifs standardisés donne lieu à toutes sortes d'expériences (souvent intéressantes mais difficilement reproductibles),

- l'amateur de musique ne peut en aucun cas retrouver chez lui les conditions d'écoute du concert.

Grâce aux récents procédés d'encodage audio, il est aujourd'hui possible de proposer l'écoute de musique spatialisée ou l'écoute de musique multiphonique sur une chaîne Hi-Fi surround au standard 5.1 du home-cinéma.

Depuis une bonne vingtaine d'années, l'industrie du cinéma développe - à grand renfort médiatique - des solutions standards pour le son spatialisé. D'abord réservé au cinéma, les procédés se sont ensuite étendus au home-cinéma et à la vidéo. Les grosses compagnies du disque s'intéressent timidement à ces procédés et commencent à produire et à commercialiser des albums en multicanaux 5.1 .

L'augmentation de la qualité du son audionumérique (stéréo, 24 bits, 96 kHz) ou l'augmentation du nombre de canaux (5 à 8 canaux) entraînent un accroissement des débits numériques d'un facteur 3 ou 4. Dans l'état actuel des techniques de stockage ou de transmission numérique, ces débits sont beaucoup trop élevés pour permettre une grande diffusion à des coûts raisonnables. C'est pourquoi les procédés de compression sont fréquemment utilisés.

Note : En 2002, le DVD audio permet désormais de stocker 6 à 8 pistes audio non compressée en 24 bits / 96 kHz. Ce procédé n'est toutefois pas encore réellement standardisé.

1) La compression numérique audio.

Les différents encodeurs perceptuels utilisent 2 faiblesses du système auditif humain : le masquage fréquentiel et le masquage temporel, afin de réduire la quantité d'information numérique. Les redondances psycho-acoustiques et les informations non pertinentes sont éliminées. Seules les composantes effectivement perçues par l'oreille sont codées et ce de façon dynamique et en temps réel. La compression est conçue pour ne pas léser "les meilleures oreilles".

Le signal audio subit une succession de traitements (assez similaires, quel que soit le procédé de compression (ATRAC, MUSICAM, AC3, DTS) :

• analyse spectrale par filtrage 32 bandes (sous-bandes) d'égale largeur (750 Hz)

• élimination des bandes non pertinentes

• allocation binaire dynamique (c'est à dire que le nombre de bits de la quantification est variable de 2 à 15 bits). La précision de la résolution est déterminée sur chaque bande pour maintenir inaudible le bruit de la quantification

• une FFT complète l'analyse par bande, surtout pour les basses fréquences

• on calcule l'amplitude maximum par intervalles de temps (de 8 à 24 ms) afin de déterminer un facteur d'échelle, c'est à dire un coefficient multiplicateur codé sur 6 bits

• le tout est multiplexé et mis en trames.

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débit audio numérique par canal768 kbits/s100 % 
en 16 bits / 48 kHz / en stéréo1,536 Mbits/scompression   
       
compression de type MiniDisc2 x 192 kbits/s25 %   1/4

qualité quasiment indiscernable de celle du CD

   
       
radio numérique / DAB2 x128 kbits/s16 %   1/6

qualité similaire à la FM actuelle

   
       
multimédia / RNIS Numéris2 x 64 kbits/s8 %   1/12

qualité "commentaire"

   

Fig. 1 : Facteurs de compression des encodeurs perceptuels dans le cas du son stéréo

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2) Qu'est-ce que le 5.1 ?

L'appellation 5.1 correspond à 5 canaux audio reproduits par 5 enceintes situées tout autour de l'auditeur : l'enceinte centrale garantit la localisation des sons à l'écran, notamment celle des voix humaines, les enceintes avant gauche et droite restituent la stéréo et les deux enceintes arrière surround ajoutent un relief sonore enveloppant l'auditeur. La bande-passante est en général de 20 à 20000 Hz.

Le 1 désigne un éventuel canal supplémentaire qui permet de renforcer les fréquences basses (<200 Hz), soit pour des effets spéciaux, soit lorsque les caractéristiques des enceintes principales sont insuffisantes dans cette gamme de fréquence.

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installation 5.1     Fig. 2 : Installation 5.1 (source Dolby)

3) les procédés d'encodage du son multicanal

Dans le domaine grand-public, il existe 3 procédés d'encodage : le plus ancien est le Prologic : c'est un simple matriçage de canaux analogiques qui ne procure en fait qu'une stéréo "améliorée". Les procédés AC3 et DTS proposent tous deux 5 canaux numériques compressés par un algorithme à codage perceptif.

Le son multicanal est encodé sur deux pistes. Il peut ainsi souvent être stocké sur un simple CD audio (et même diffusé par les ondes Hertziennes tel que radio FM ou TV). Après décodage, l'espace est restitué grâce aux 5 (ou 6) enceintes d'une chaîne HiFi surround. Des circuits spécialisés intégrés dans les amplis de chaîne HiFi permettent de convertir du 5.1 en 2.0 (stéréo), sans problème et sans pertes (procédé de downmixing).

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Le Dolby Surround est un procédé de matriçage qui permet de transporter sur n'importe quel support stéréo, analogique ou numérique, quatre canaux audio : 2 voies stéréo + 1 voie centrale + 1 voie surround mono, éventuellement répartie sur plusieurs enceintes. Les auditeurs possédant un décodeur Dolby Surround Pro Logic bénéficient ainsi du son surround quatre canaux. Le programme encodé reste totalement compatible mono et stéréo, pour ceux qui ne possèdent pas de décodeur. Les deux pistes des programmes Dolby Surround sont identifiées Lt/Rt (Left total / Right total) pour les différencier des programmes stéréo conventionnels L/R (Gauche/Droite). Voir la Figure 3.

Note : Le système Prologic porte aussi le nom Dolby Surround. On veillera à ne pas confondre le procédé Dolby Surround avec le "son surround", qui est une appellation générale pour la spatialisation du son en home cinéma.

Le Dolby Digital, aussi connu sous l'appellation "AC-3" (Adaptative Coding Version 3) nom de la technologie sur laquelle il est basé (MITCHELL, 1998). C'est un codage perceptuel destiné à des applications grand-public qui permet de conserver et transmettre 5.1 canaux audio sur un seul, à un bas débit. Le Dolby Digital audio est utilisé pour la télévision numérique, le câble numérique, les transmissions numériques par satellite (DBS), pour le DVD et les disques laser. Voir Figure 4.

Six canaux audio encodés en Dolby Digital 5.1 ont un débit de 384 kb/s, soit un facteur de compression de 12:1.

Une caractéristique exclusive appelée "downmixing" (mix descendant) permet le décodage des programmes 5.1-canaux Dolby Digital quel que soit le système de lecture du consommateur. Un mixage mono ou stéréo peut être créé "à la volée" à partir des programmes multicanaux.

Le dts Coherent Acoustics est un encodeur différentiel par bandes de fréquences perceptuellement optimisé.

L'algorithme de compression est largement applicable et flexible : depuis les applications Multimédia aux bas débits (5.1 canaux à 384 kbit/s ou moins), jusqu'aux applications musicales professionnelles impliquant des fréquences d'échantillonnage plus élevées, des mots de plus longue taille, un nombre variable de canaux audio et une compression sans pertes. En multicanaux 5.1, la qualité audio est "au moins comparable à celle du CD".

L'algorithme de décodage est assez simple comparé à l'encodeur. Il n'implique pas de calculs d'une importance fondamentale pour la qualité du signal audio décodé. Les éventuelles améliorations du procédé dts se feront uniquement par modification de l'algorithme d'encodage sans modification du software ou du hardware des décodeurs.

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Figure 3 : Coherent Acoustics Features (source : SMYTH & al., 1996)

• 1 to 8 channels of multiplexed audio

• Sampling rates from 8 kHz to 192 kHz per channel

audio Bandwidth from 3,5 to 90 kHz

• 16-bit to 24-bit audio word length (max dynamic : 138 dB)

• Compression ratios from 1:1 to 40:1

• Total data rate operating range from 32 kbits/sec to 4096 kbits/sec

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Réalisation du premier CD de musique électroacoustique multiphonique ou spatialisée en multicanaux 5.1

1) Choix du procédé d'encodage

Le procédé Prologic n'est qu'un artifice astucieux pour obtenir 4 canaux à partir de 2 (obtenus par somme et différence des 2 canaux originaux). Ce procédé est relativement bien diffusé dans le grand public (plusieurs dizaines de millions d'équipements dans le monde entier, aux dires de la société Dolby), mais il est aujourd'hui en fin de vie. Son remplaçant est le procédé numérique AC3.

L'encodage en AC3 possède un débit permettant d'enregistrer le signal encodé sur un CD Audio. Cependant, la société Dolby préconise une série de directives contraignantes, visant principalement à rester compatible avec les standards actuels :

• fréquence d'échantillonnage standard du signal encodé 48 kHz (ce qui rend la copie sur CD Audio incompatible avec les lecteurs de CD). L'encodage à 44.1 kHz est envisageable, mais déconseillé : il n'est pas certains que tous les décodeurs grand-public puissent relire et décoder ce signal.

• enregistrement sur DVD, afin de pouvoir enregistrer une version stéréo (PCM linéaire de type CD audio) à côté de la version encodée. Dolby souhaite maintenir la compatibilité avec les anciens formats audio.

• l'enregistrement sur DVD entraîne à l'heure actuelle un surcoût assez important. Le format du DVD audio n'étant toujours pas défini, il faut utiliser le format défini pour le DVD vidéo.

• le son étant synchrone aux trames vidéo, il est ainsi nécessaire de réaliser une séquence vidéo fictive (image fixe ou trame noire) sur laquelle le son devra être calé.

• le découpage du monde (commercial) en 5 zones, théoriquement non compatibles, limite la diffusion a un territoire géographique ou oblige à réaliser plusieurs versions pour chaque zone.

• les nombreuses options prévues dans le format DVD vidéo (notamment pour la gestion de multiples format de pistes son) rendent obligatoire le recours à une procédure "d'authoring" lors de la gravure du DVD (procédure logicielle affichant des menus à l'écran, afin de pouvoir choisir les options).

- la duplication des DVD est coûteuse (de l'ordre de 1500 Francs HT, le DVD, en l'an 2000), car il faut avoir recours à matériel encore très cher et donc à une société spécialisée.

• coût pour la réalisation d'un DVD (en un seul exemplaire) : 6 000 F HT.

L'encodage en DTS a été préféré pour des raisons de simplicité de mise en œuvre :

• le taux de compression est 3 fois plus faible que l'AC3, ce qui le rend plus propice à une restitution audio de qualité.

• le son en multicanal 5.1 encodé peut être enregistré sur une simple cassette DAT ou sur un CD Audio enregistrable. La fréquence d'échantillonnage de 44.1 kHz fait partie des différents choix offerts en standard par le dts (encodeurs et décodeurs).

• le dts est compatible avec les installations surround du monde entier (pas de zones). Malgré la notoriété (l'hégémonie ?) plus importante de la société Dolby, les décodeurs dts sont désormais installés en standard sur toutes les chaînes HiFi surround récentes.

• coût pour la réalisation d'un CD encodé (en un seul exemplaire) : 1 000 F HT / 10 mn, soit 6 à 7 000 F HT le CD.

• la duplication peut - dans un premier temps - être effectuée sur un simple graveur de CD informatique. Il est aussi envisageable de faire presser ce CD en usine en grande quantité par les circuits commerciaux habituels.

• un inconvénient à prendre en compte est que les CD encodés en dts sont hors des standards admis : seul l'audio PCM linéaire est autorisée par le Red Book et lisible sur les platines CD HiFi. L'auditeur doit impérativement posséder un lecteur de CD avec sortie numérique et un décodeur dts. Certains lecteurs de CD incluent désormais les décodeurs AC3 et dts. Le décodeur dts est soit inclus dans un ampli surround (à partir de 3000 Francs), soit vendu comme un module indépendant (environ 3000 Francs).

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Les CD avec de l'audio autre que PCM, sont hors des standards admis.

C'est pourquoi Dolby préconise la gravure sur DVD. Ce nouveau standard est pour l'instant cher et toujours en cours d'élaboration (pour l'audio). Le procédé dts détourne astucieusement le standard actuel du CD, mais il est simple, parfaitement défini, peu coûteux et disponible de suite.

2) Choix du programme musical

Un programme musical varié a été élaboré afin d'explorer les nouvelles possibilités de spatialisation dans une écoute de salon :

• Picson, le hérisson, un conte musical, spécifiquement composé en 5 pistes ;

• Les chevaux de Ladoga , l'enregistrement d'un trio instrumental et vocal ;

• Sillages, une musique acousmatique stéréo spatialisée sur 5 points ;

• Nébuleuses NCG2359, réduction en 5 pistes d'une pièce octophonique.

Les différentes œuvres ont été composées par ß. MERLIER, à l'exception des chevaux de Ladoga qui est une composition collective des 3 interprètes, sur un texte de G. LE VOT.

3) Nébuleuses : la réduction en 5 pistes d'une pièce octophonique

Il existe de nombreuses œuvres multiphoniques : 4, 8, 12, 24, 32 pistes... Elles ne sont écoutables que sur un dispositif spécifique. Ce qui rend leur programmation en concert délicate et leur diffusion dans le grand public impossible.

La réduction du nombre de pistes (vers le format 5.1) ne sera en général pas envisageable, à cause de la modification du discours musical d'espace (et des exigences des compositeurs).

NGC2359 est une pièce octophonique dont l'écriture est basée sur des entrelacements de textures homogènes. Chaque piste a un rôle équivalent, il n'y a pas d'avant ou d'arrière, de droite ou de gauche, mais un espace homogène.

Pour la réduction en 5.1 : la piste 1 est restée inchangée, les pistes 2 et 3 ont été mixées entre elles, idem pour 4 et 5, les 3 pistes restantes (6, 7, 8) ont été mixées de façon complexe vers 2 pistes.

L'impression auditive reste assez proche de la version originale de l'œuvre.

Le remixage en 5.1 de cette pièce pose la question des outils. Le déplacement d'une source sonore sur 5 haut-parleurs nécessite une fonction de panoramique d'un type assez spécial... (en fait inexistant). Il est nécessaire de faire de nombreux compromis et d'avoir recours à des ruses plus ou moins complexes, mettant clairement en évidence la non-adéquation du matériel actuel pour la multiphonie : table de mixage ou logiciels de studio numérique.

4) Sillages : de la musique stéréo spatialisée sur 5 points

Techniquement, cette spatialisation ne pose pas de problème. Elle est utilisée couramment en concert électroacoustique : le signal stéréo entre dans une console (de diffusion) et sort sur 5 sorties différentes (ou 5 sous-groupes). Cinq faders - éventuellement munis de correcteurs de tonalité - permettent de doser le signal sortant sur chaque voie et ainsi de réaliser l'effet de spatialisation. On parle "d'interprétation de la musique électroacoustique de support".

Pratiquement, certains problèmes se posent.

- Que faire du nombre impair d'enceintes ? que faire sur la voie centrale (à partir d'une source stéréo) ?

- Il faut enregistrer l'interprétation sur 5 pistes (en sortie de console) dans des conditions similaires à celles du futur auditeur. Or,

. le nombre de haut-parleurs est petit (5 au lieu de 8, 16, 32 ou plus dans les orchestres de haut-parleurs institutionnels) ; ce qui est un peu frustrant ;

. les dimensions de la salle sont petites ;

. les distances entre les haut-parleurs sont petites ;

Ainsi, on ne peut pas compter sur la réverbération du lieu ou la multiplicité des haut-parleurs pour lisser les effets d'espace à la diffusion.

Malgré une apparente simplicité (ou simplification), une telle interprétation requiert une extrême finesse, une très grande précision dans le geste. Les gestes sont souvent de très faible amplitude.

Le plaisir de l'écoute spatialisée est présent, mais le travail d'interprétation est assez ingrat et frustrant.

Devant la difficulté, nous avons eu recours à un système d'automation (table de mixage d'un studio numérique) en travaillant section par section et en éditant assez souvent manuellement les paramètres de l'automation.

5) Les chevaux de Ladoga : un trio instrumental et vocal

Il s'agit d'un trio instrumental et vocal, extrait du spectacle : Le voyage médiéval, produit par THELEME CONTEMPORAIN. Les chevaux de Ladoga sont interprétés par : G. Le Vot : harpe électrique, texte ; D. Regef : vielle à roue ; ß. Merlier : récitant et échantillonneur.

La prise de son live pose un problème délicat, identique à celui du paysage sonore : choix des microphones, position, balance entre instruments, ... En prise de son stéréophonique, il est possible de jouer sur la balance en éloignant plus ou moins les micros (ou les instruments).

Dans le cas d'une prise de sons surround (?), le déplacement des sources (ou des micros) provoquerait une modification d'amplitude et d'espace...

Le trio a été enregistré dans des conditions de studio, c'est à dire prise de son individuelle et rapprochée, puis mixé en 5 pistes. La voie centrale est réservée au texte, puis à l'instrument soliste. Un problème se pose rapidement : que faire des voies arrières ?

- un effet d'ambiance est délicat à bien réaliser (le réalisme est difficile à obtenir sans trucage), pas très créatif. Cette possibilité existe déjà sous forme d'effet dans les chaînes surround.

- il serait tentant de déplacer les enceintes, afin de disposer de 5 sources en façade.

Ce choix est très intéressant (il n'est pas à négliger pour d'éventuelles applications créatives en concert), mais il induit une rupture avec le standard grand-public qui n'est pas admissible dans notre expérience.

- il faut donc investir un nouvel espace d'écoute en forme de fer à cheval autour de l'auditeur. La solution retenue a été la suivante :

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Fig. 4 : position des instruments lors du mixage

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La causalité instrumentale rend délicate l'utilisation des 2 enceintes arrières. L'auditeur est habitué à voir le ou les instrumentistes jouer de la musique en face de lui. Dans la vie réelle, si la musique provient de derrière, alors l'auditeur se retourne spontanément en direction de la source sonore.

Techniquement, il est très difficile d'obtenir un effet d'espace réaliste sur les enceintes arrières (similaire à celui de l'écoute en tournant le dos à une source sonore acoustique réelle). Vraisemblablement à cause de la directivité des enceintes qui ne correspond pas du tout aux réflexions multiples et multidirectionnelles de la réalité acoustique (ZACHAROV, 1998).

6) Picson, le hérisson : un conte musical, spécifiquement composé en 5 pistes

Il s'agit ici d'un cas idéal pour le 5.1. La voix du conteur est placée au centre en monophonie (avec parfois quelques incursions musicales). La musique électroacoustique est ensuite librement répartie sur les 4 enceintes restantes. L'absence de causalité instrumentale facilite énormément le positionnement des sons. Les enceintes arrières peuvent être utilisées de façon créative sans contraintes.

Le résultat est rapidement spatialisé. Le travail est facile et plaisant, tant qu'on travaille par plans sonores. Cependant, dès que l'on s'attaque à des effets dynamiques en matière d'espace (déplacements sur 5 haut-parleurs), les outils ne conviennent plus.

Comment réaliser un panoramique avant-arrière ?

Comment organiser un déplacement sur 4 ou 5 sorties ?

La seule solution technologique valable serait d'avoir recours à une matrice de VCA audio 4x4 ou 5x5. Mais alors se posent d'autres problèmes :

Quels organes gestuels ou quelle interface utilisateur utiliser ?

Quelle représentation permettrait de représenter des mouvements à 2, 3 ou 4 dimensions ?

Les dimensions d'une installation 5.1 étant limitées à celles du salon d'une habitation particulière, les faibles dimensions jouent ici en faveur du mixage 5.1 (de la mise en espace 5.1), contrairement au §4). La fusion des voies se fait instantanément, sans aucun problème, malgré les 5 pistes différentes. Malgré les prises de sons séparées, l'impression du trio instrumental fonctionne bien.

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CD en dts 5.1

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Ecoute de musiques électroacoustiques spatialisées en 5.1

- qualité du son comparable à celle du CD [20 Hz - 20000 Hz]
malgré la compression
- couverture spatiale fort correcte,
malgré le faible nombre d’enceintes,
- relief sonore et dynamique accrus,
- amélioration de l'intelligibilité,
- meilleure restitution de la réalité sonore,
- possibilités de création d'espaces "inouïs" :
(c'est à dire extraordinaires, mais aussi jamais entendus).

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Ce CD est disponible auprès de Théléme Contemporain.
15 Euros, port inclus

Conclusions - Intérêts pour la musique électroacoustique

Après plus de 50 années de pratiques très diverses, les intérêts de la spatialisation des musiques électroacoustiques (techniques, esthétiques, plaisir et confort de l'écoute) ne sont plus à démontrer. Si les applications en concert sont de plus en plus fréquentes, la "fixation d'une œuvre électroacoustique avec sa spatialisation" est un challenge qu'il est aujourd'hui possible de relever. L'enjeu est de permettre une meilleure diffusion des œuvres électroacoustiques dans le public sur des supports audio standards et ainsi de sortir d'une certaine marginalisation du genre musical.

Les experts du cinéma et du home-cinéma ont "découvert" la spatialisation du son au cours des deux dernières décennies du XXe siècle... Les amateurs s'équipent en chaînes HiFi surround par dizaines de millions et les ventes sont en augmentation constante et rapide. Le home-cinéma a ainsi contribué à normaliser une installation HiFi multicanal (nombre de haut-parleurs et position dans l'espace d'écoute) et à médiatiser la spatialisation des sons, à travers le "son surround".

L'industrie du cinéma fournit un procédé technique ou un "contenant" ; les compositeurs de musiques électroacoustiques disposent eux d'un "contenu" déjà éprouvé en concert !

Profitons de cet enthousiasme et devenons acteurs de ces nouveaux standards en cours d'élaboration !

L'objectif du projet de Thélème Contemporain logo TC est multiple :

• faire savoir aux professionnels du disque et au grand-public que les différents acteurs de la musique électroacoustique ont 50 années d'expérience de spatialisation du son derrière eux ;

• rappeler aux différents acteurs de la musique électroacoustique qu'ils ont 50 années d'expérience de spatialisation du son derrière eux et qu'ils pourraient le faire savoir aux professionnels du disque et au grand-public ;

• ouvrir la voie dans ce domaine, puisque - à notre connaissance - la réalisation de THELEME CONTEMPORAIN logo TC est la première en son genre ;

• informer la communauté artistique sur les technologies du son multicanal et ses possibilités créatives,

et principalement :

• se faire plaisir et faire plaisir aux amateurs de musique en présentant des expériences auditives (nouvelles ?).

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Ce qu'il faut retenir de la réalisation de ce premier CD de "musique électroacoustique surround" :

• le format multicanal 5.1 est un compromis en matière de nombre d'enceintes (5 au lieu de 8, 16, ...). Cependant, lors d'une écoute de salon, 5 enceintes assurent déjà une couverture spatiale fort correcte ;

• le standard 5.1 existe, les chaînes HiFi surround sont désormais en vente dans toutes les grandes surfaces et magasins de HiFi. Des dizaines de millions d'auditeurs (dans le monde) sont équipés. Le plus gros du travail est fait ; il serait dommage de ne pas tenter sa chance ;

• les aspects techniques (remplissage des 5 pistes) ne sont pas très contraignants et malgré la compression, la bande-passante [20 Hz - 20000 Hz] est conservée, ainsi qu'une dynamique comparable à celle des CD ;

• toutefois, le propos esthétique et l'organisation d'un discours spatial sur 5 enceintes demandent une réflexion et la mise en place de nouvelles habitudes d'écoute et de travail ;

• les outils logiciels ou matériels d'assistance à la spatialisation sur 5 points (panoramique multidimensionnel) sont quasiment inexistants, ce qui rend les déplacements sonores assez difficiles à réaliser ;

• la prise de sons en multicanaux est un problème complexe, mais a priori qui ne concerne pas les musiques électroacoustiques ;

• le coût de l'encodage reste encore assez élevé (6 à 7000 F HT pour 1 CD complet), mais ne devrait pas manquer de baisser dans l'avenir. On peut espérer l'apparition d'encodeurs logiciels.

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" Si le surround est un élargissement de la stéréo, le multicanaux nous embarque pour un autre monde. (...) Toutes les conventions attachées à la stéréo n'ont plus cours et l'on est obligé de concevoir une autre esthétique. Sa participation à l'univers radiophonique apporte un élément de création et de langage dont la portée nous a semblé considérable. "

Le multicanaux à Radio-France, Philippe CARMINATTI & Guy SENAUX,
revue Tonalités (communication interne Radio France, sept 1997)

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Remerciements :

Gérard LOUPIAS de la société GLCC (encodage dts), Hélène PLANEL / THELEME CONTEMPORAIN (production et recherche de financements), SACEM et Conseil Général de la Drôme (financements).

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Sites Web

http://www.ddd.com

Informations techniques sur l'encodage AC3 sur le site de Dolby :

http://www.dolby.com

http://.dolby.com/digital/encodvw.pdf - Dolby Digital Encoding Manual

http://.dolby.com/tech/ac-3mult.html - The AC3 multichannel coders

http://.dolby.com/tech/ac-3flex.pdf - The AC3 flexible perceptual coding...

Informations techniques sur l'encodage dts :

http://www.dtsonline.com/consumer/whitepaper.html

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© ß. MERLIER   -   [ Thélème Contemporain ]   theleme contemporain   -   Crédit photos : PEF   -   Publié en nov 2001 / Màj : aout 2004
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